Les Sisters of Charity à Memramcook

Memramcook est un village où les Acadiens viennent s’installer après la dispersion. En 1864, le curé, père Camille Lefebvre y fonde le premier collège acadien. Il souhaite voir les jeunes filles acadiennes plus éduquées. Dans ce but, il achète une petite maison, en fait une école, et demande à Philomène Belliveau d’être la première institutrice.

Comme le nombre d’étudiantes grandit, père Lefebvre dit : « Il faut bâtir un couvent. J’ai 300 piastres en main, commençons tout de suite. » Les paroissiens montent la charpente en bois, mais le vent la renverse, et ils doivent recommencer. Trois institutrices laïques du Québec viennent enseigner en attendant d’avoir des religieuses.

L’évêque irlandais de Saint-Jean, Mgr John Sweeney, est favorable aux Acadiens. En 1873, père Lefebvre lui demande des soeurs à Memramcook pour l’éducation des filles. Mgr Sweeney autorise l’envoi des Sisters of Charity à Saint-Joseph de Memramcook, spécifiant clairement qu’une éducation de qualité dans leur langue doit leur être donnée. On nomme le couvent « Académie Notre-Dame-du-Sacré-Coeur ».

Extrait du Le Moniteur Acadien
édition du 25 septembre 1873

« Cette nouvelle institution, agréablement située dans la magnifique paroisse de Memramcook, près du Collège Saint-Joseph, sera dirigée par les Soeurs de la Charité qui s’efforceront d’inculquer aux jeunes demoiselles confiées à leurs soins les vertus et les connaissances convenables à leur sexe… Le cours d’instruction comprendra les différentes branches d’enseignement qui donnent aux parents les garanties que leurs enfants, après quelques années, auront acquis les connaissances suffisantes pour les rendre utiles à leur famille et à la société. »

L’Académie NDSC débute modestement comme pensionnat et externat. En octobre 1873, quatre soeurs, deux Acadiennes et deux Irlandaises, en prennent possession. Le bâtiment mesurant 50 sur 30 pieds est froid et déjà petit pour le nombre de personnes. La chapelle sert de classe le jour. La salle de musique est séparée du dortoir par une porte accordéon. On enseigne les matières de base, les arts, la musique et le cours commercial. Soeur Marie-Anne arrivée en 1875 réussit, avec l’aide de soeur Bernadette, à mettre sur pied une classe de français.

Témoignage paru dans Le Moniteur Acadien du 4 juin 1874
« Hier soir, il m’a été donné d’une manière inattendue de participer à une séance privée que ces bonnes dames religieuses avaient préparée pour exercer leurs intéressantes élèves et en même temps de rendre compte de leur progrès dans leurs études. Cette séance qui aurait mérité d’être publique tant elle a été bien rendue nous fait bien augurer de celle qu’elles sauront préparer pour la fin de l’année… » (signé) E. F. Morin

L’Académie NDSC devient surpeuplée et soeur Cléophas, supérieure, fait construire une aile pour des classes, une chapelle et un dortoir. Cette nouvelle partie ouvre en 1884.

En 1893, soeur Marie-Anne devient supérieure du couvent. Elle voit la nécessité d’ajouter un réfectoire, des salles de musique, une plus grande chapelle et une salle de récréation. Avec 50 $ en caisse mais confiante en la Providence, elle commence l’agrandissement en 1902 et la complète en 1905.

L’aile ajoutée en 1905 donne plus d’espace pour l’enseignement, particulièrement celui du français, ce qui réjouit soeur Marie-Anne. Entre 1873 et le début des années 1920, l’Académie NDSC accueille plus de 4 800 jeunes Acadiennes. Beaucoup d’entre elles vont à l’École normale, deviennent institutrices ou agentes de changement dans la société acadienne.

Des tensions culturelles existent à l’intérieur de la congrégation des SCIC. Soeur Marie-Anne donne un nouvel élan au français à l’Académie NDSC. Quant aux soeurs irlandaises, elles désirent que les pensionnaires anglophones y poursuivent leurs études. Les divergences de vues entre des soeurs françaises et irlandaises inquiètent l’autorité majeure de Saint-Jean qui décide de « sortir de la barque celle qui en détient le gouvernail » (mots de soeur M.-Rosalie). En 1908, la supérieure générale demande à soeur Marie-Anne de quitter Memramcook et d’aller au couvent de Bouctouche. Après 33 ans de services très appréciés à Memramcook, soeur Marie-Anne se rend à Bouctouche se disant : « Que la volonté de Dieu soit faite. » Ses compagnes acadiennes pressentent qu’elle reviendra un jour à Memramcook.

Soeur Marie-Anne, femme de foi
L’agrandissement « …allait occasionner une dette d’au moins 8 000 dollars; il n’y avait que 50 dollars en caisse et, bien entendu, aucun compte en banque. Soeur Marie-Anne fit part de son projet au curé, père Alfred Roy, c.s.c. […] Des aumônes inattendues, sollicitées sans doute par le curé, vinrent s’ajouter à cette mince somme. Le nouvel agrandissement commença en 1902. En peu de temps, l’édifice fut monté. Soeur Marie-Anne, pleine de reconnaissance pour le succès de cette entreprise, fit construire une niche dans la façade extérieure de l’agrandissement et y fit placer une statue du Sacré-Coeur selon la promesse qu’elle avait faite. »

VAUTOUR, Thérèse. Histoire d’une servante centenaire, p. 32-33.

Back To Top